30 septembre 2007
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Une invitation à découvrir un poète.
ENFANTS SILLAGES
par
Christophe Goarant – Correa-de-Sá
Extraits :
Mon parapluie avait un trou,
Et de sa toile, goutte à goutte,
Tombe le ciel dessus dessous,
Sous mes souliers et sur la route.
Chemin faisant, il a tant plu
Que j’ai semé dans chaque flaque
Un peu du ciel, dessous dessus,
Dans mon sillon qui flique-flaque !
Et depuis lors, un peu partout,
Chassés d’en haut du paysage
Le monde est sans dessus dessous
C’est donc au sol que vont les nuages.
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La larme aux jeux, cherche l’invite
Où fusent maints rires d’enfants ;
Regards aveugles, comme en fuite,
Passent, m’ignorent, non-voyants.
La boule à gorge, épaule basse,
Et le cœur serre avec le tard,
Quand l’heure empresse, sonne classe,
Vide la cour… mis à l’écart.
Le rang chahute et bousculade
En coups de coude et noms d’oiseaux ;
Du nombre impair, sans camarade,
Dernier je suis et le cœur gros.
---
L’eau des tuyaux voudrait sortir
Les gargouillis de l’eau qui gronde
Font comme un chant dans les tuyaux
Qui tourne, vire et vagabonde
De la cuisine aux lavabos.
C’est qu’elle veut, coûte que coûte,
S’enfuir dehors et sans arrêts
Filtrer sa nuit goutte après goutte
Vers l’au-delà des robinets.
Une fois libre, farandole
Et fait un peu n’importe quoi,
Coule et se perd dans les rigoles,
Ou bien ruisselle au fond des bois.
Le cœur de l’eau bat la campagne
Et tombe averse sur les champs,
Rejoint les fleuves qui regagnent
Les mers et lointains océans.
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Voile qui tremble, emporte monde,
Flotte sa traîne à papillons,
Le cerf en vol danse sa ronde
De ciel en terre et d'horizon.
Au gré du vent saute nuages,
Il joute course les oiseaux,
Leur vole en plumes sans ambages
De prise en bec et ras en haut.
Mais il fatigue à l'heure trotte :
En bout de course pique bas,
Le souffle court s'écrase motte...
Mille débris s'arquent fracas.
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Balle qui vole, emporte bruits
De voix, éclats et de fenêtre,
S’élève et tombe à petits bris
Quand le silence vient à naître.
Le souffle court guette carreaux
Les cris aigus de la voisine,
Rageuse aux mille et cent morceaux
Qui se dispersent en cuisine.
Les jeux sont clos, adieu ballon,
Pour une vitre en éparpille,
Alors que c’est balle rebond…
Casse et repart en frappe vrille.
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Vrille toupie aux mille éclats,
Traîne copeaux en son sillage,
Sème peinture puis s’en va,
Dénude bois et prend le large.
De pièce en pièce à travers sol,
Mon vieux joujou tourne sillonne,
Crisse fébrile fier et fol,
Raille parquet puis polyphone.
Tout semble naître à son sillon :
Amas, poussière, galaxie…
Le centre monde tourbillon,
C’est l’axe fou de ma toupie.
---
Mon petit train court et circuite
Le long des rails et du lino,
Puis souffle, roule comme en fuite,
Et tourne volte sa loco.
De toutes parts moutons poussières
Sortent nombreux de sous le lit
Voir étincelles passagères…
Trouble silence puis frémit.
Le sol crépite à son passage,
Gagne vitesse à chaque tour
Et change ligne, aiguille et rage
En plein décor : fin du parcours.
ENFANTS SILLAGES Christophe Goarant – Correa-de-Sá Préface de Pierre Brunel Editions Séguier, Paris 2007, 64 pages ISBN : 978-2-8404-9506-2 Prix : 15 € |