12 mai 2009 – Verhofstadt ou le gardien du temple -MODEM
« Pousser l’Europe de l’avant », voilà l’intention de Guy Verhofstadt qui, pendant 9 ans, a dirigé la Belgique à la tête d’une coalition sociale-libérale, aujourd’hui en campagne pour les élections européennes. Proposé par le Parti Démocrate Européen, aux côtés de M. Monti, comme possible Président de la Commission, Verhofstadt est, lui aussi, un Européen fort engagé.
Au deuxième trimestre 2001, il a assuré la présidence de l’UE à un moment décisif, après le désastre du Conseil européen de Nice. C’est lui qui a rédigé, et fait adopter, la « déclaration de Laeken » où la nécessité de faire l’Europe autrement et d’en accélérer la marche a été expressément reconnue. Cette déclaration marque un tournant : au lieu de lancer une énième conférence intergouvernementale où les gouvernements s’étripent à huis clos, une Convention, majoritairement composée d’élus nationaux, siégeant en public, a été chargée de réviser les traités. Même si la Constitution a eu un sort funeste, l’effort pour changer de méthode et relancer l’Europe était méritoire.
Ce que j’aime, chez Guy Verhofstadt, c’est qu’il assume totalement ses convictions, avec un grand sens des équilibres. Libéral, il est soucieux de social et d’écologie. Et, dans le cercle des chefs d’Etat et de gouvernement, c’est un peu « le gardien du temple » européen.
Son livre « Les Etats-Unis d’Europe» expose une vision qui a le mérite de la cohérence. Alors que la plupart des dirigeants nationaux pataugent dans la contradiction qui consiste à rêver d’une Europe forte la privant de moyens et d’institutions efficaces, Guy Verhofstadt place la barre plus haut. Il entend unir les Européens autour d’un projet de société libre, démocratique, préservant les identités des Etats membres mais permettant à l’Europe de s’affirmer vis-à-vis du monde extérieur. En ces temps de pensée unique européenne, c’est courageux. Pourquoi Jacques Chirac et Gerhard Schröder, pas franchement fédéralistes, l’ont-ils soutenu en 2004 quand on cherchait déjà un Président de la Commission? Mystère et boule de gomme. Il est vrai qu’ils l’ont lâché illico au profit de M.Barroso, son exact contraire : Verhofstadt avait combattu la guerre en Irak quand le Premier ministre portugais s’affichait aux Açores avec Georges W Bush ; Verhofstadt a toujours été attaché à une économie sociale de marché quand M.Barroso prônait la dérégulation.
Certains, au PS, à l’UMP s’effarouchent des récentes « dérives ultralibérales anglo-saxonnes de l’UE mais leurs familles politiques les ont parfois encouragées.
Plus récemment, Guy Verhofstadt a réclamé une vigoureuse réponse européenne à la crise. Il entend notamment doter la zone euro d’un « gouvernement » chargé de la convergence socio-économique. Il déplore que les dirigeants nationaux aient perdu le sens de l’intérêt supérieur européen. Bref, c’est un orthodoxe communautaire, dans la meilleure tradition belge. Seul reproche à lui faire : en décembre 2007, alors que nous étions en finale du Prix du livre européen, il me l’a soufflé sous le nez !
Mais les petites rancunes personnelles sont (peut-être) moins importantes que l’avenir de l’Europe.
Références :
Les Etats Unis d’Europe, Editions Luc Pire, février 2006
The financial Crisis, three ways out for Europe, nov 2008, www.bertelsmann-stiftung.de