Ce matin, comme tous les matins depuis 12 jours, une douleur m'a réveillée. Une douleur au niveau de l'estomac ou de l'âme peut-être.
Quelle tristesse m'envahit d'emblée... C'est mon estomac qui souffre en premier quand mon âme souffre! J'aurais préféré que ce soit la tête.....
Je cherche, mais je n'ai pas encore trouvé la source précise de cette douleur... Beaucoup trop de possibilités.."Pas normal" me dis-je....
Cerbère s'est endormi?
Le portail de la mort, entrebâillant, laisse s'échapper le feu de la mort sur ce petit rien qu'on appelle "Liban" aux infos.
Mon petit rien, qui me tiens la main quand je trébuche....
Mon petit rien, mon amour impossible... Ils m'accusent tous de subjectivité quand je parle du Liban..."Mais toi tu l'aimes parce que c'est ton pays, c'est normal" disent-ils!!!
Ils parlent d'"aimer" et n'y connaissent rien!
L'amour, c'est quand tu arrêtes d'exister, quand tu deviens amour, ton ego se perd comme une tache de vin entre les plis d'un satin rouge...
Je comprends ce que les soufis ont compris pour affirmer que, jusqu'à la fin du monde, il y aura, là-bas dans les vallées du Mont-Liban des sages "qui sont un avec le temps et le lieu, ce qui est passé et ce qui viendra". Simple nuance linguistique; moi, j'aurais dit "fous"...
Tu ne pourras jamais comprendre le sens que peux prendre, la mort pour ce "Liban", si tu n'as jamais tendu l'oreille pour entendre ce qu'il te chuchote... Si tu n'as pas vu que le café matinal, près du port à Tripoli, et les vents des vallées de Jabal aamel, ne sont que mots différents, d'une seule langue... Que le verre de whisky sec à "Monot" et l'odeur de la mer à Saida, ne sont que doigts d'une seule main.....
Je ne connais pas encore précisément la raison qui me noue l'estomac.
C'est peut-être le désespoir que je vois dans les yeux des miens, même quand ils le cachent tous!
C'est peut-être la culpabilité que me fait ressentir mon désir de sacrifice, et qui m'empêche de me perdre aujourd'hui dans la langue de ce "Liban".
C'est peut-être l'envie incontrôlable de vouloir faire subir aux mères de l'ennemi, ce que l'ennemi fait subir à nos mères!
C'est désolant!
C'est peut-être, que pour la première fois de ma vie, je me sens réellement exilé.. La première fois que je ressens l'impossibilité - quoique temporaire, j'espère du retour...
L'exil est la punition ultime...
Jésus leur a répondu "Prenez mon corps, mais vous ne prendrez jamais mon rêve", je ne l'ai lu dans aucun livre, je ne l'ai entendu dire dans aucune langue mais je t'entends, Toi qui as réalisé ta réelle existence, celle qui se libère de la matière, de ce cercueil qu'est le corps.. Toi qui as aimé ce "Liban.Toi qui l'a pris dans les bras!
Au téléphone, du Liban, mon oncle m'a dit: "Combien de guerriers ont voulu conquérir ce pays? Pourtant, là voilà cette même montagne, en face de moi, plongeant dans cette même mer, depuis toujours".
Qu'ils viennent avec leurs chiens dressés, qu'ils se cachent derrière leurs futiles armures, qu'ils nous inondent dans des torrents de feu et de sang... Nos rêves roderont toujours sur cette terre, y feront pousser des oliviers et des hommes, du blé et des barques de pêcheurs!